mercredi 7 avril 2010

L'exception sénégalaise doit conduire à une voie sénégalaise. (par Massaer Arame DIOP)

La classe politique dans son ensemble a fait montre d'une unanimité remarquée à l'occasion du vote de la loi portant création de la CENA. Qui l'eût cru ? Me Babou, Khalifa Sall et Doudou Wade émettre sur la même longueur avec force trémolos et produire ce si beau ramage à l'honneur de l'exception sénégalaise ! Réflexion faite, cependant, cette situation n'est point exceptionnelle et notre passé politique, encore pas si loin que ça, est riche de ces moments de retrouvailles émouvantes entre politiciens. En effet, de Senghor à Diouf et de ce dernier à Wade, les politiciens ont toujours su à un moment où à un autre transcender leurs particularismes pour stigmatiser l'histoire par ces moments - là qui ne sont, en fait, que des aubaines de plus de leur part pour casser du sucre sur le dos du peuple. L'exemple de la CENA qui vient d'être adoptée à l'unanimité par l'Assemblée Nationale en est une preuve.

C'est une institution inutile pour les raisons que voici.

Elle est budgétivore. Elle va mobiliser des milliards de francs CFA pour le seul objectif de contenter les politiciens. Elle va, donc, s'ajouter à cette panoplie de mesures politiciennes qui bouffent avec voracité les fruits de la croissance qui sont les semences virtuelles du développement économique et social national. Car les fruits de la croissance se doivent d'être réinvestis sans relâche pour espérer irradier de leur profusion tous les secteurs de la vie nationale.

Qui plus est, si un peuple accepte de payer un climat social apaisé à ce prix-là, c'est qu'il y a anguille sous roche. Il faudra nous inquiéter à juste raison sur les promoteurs de cette paix des braves ! Quand on bouffe les fleurs, peut on décemment espérer récolter des fruits ? A ce train, des dizaines et des dizaines d'années encore ne nous suffiront pas pour trouver le chemin, notre chemin.

Elle est irresponsable parce qu'elle émane des doutes inadmissibles de certains éléments de l'opposition qui pourtant ont pris part aux effusions qui ont salué le déroulement de la compétition électorale de 2000.

Pour ces esprits brillants, bien au contraire, le normal aurait voulu qu'ils se ceignent les reins pour qu'à la lumière des élections remarquables de 2000, soit précipité le dépérissement des institutions chargées de superviser le processus électoral au lieu de contraindre notre démocratie majeure dans ce statut tropicalisé. Dans tous les pays qui se respectent, l'organisation des élections incombe au Ministère de l'Intérieur et leur contrôle est dévolu au pouvoir judiciaire.

Elle est enfin une conspiration du fait de cette unanimité suspecte. Dans notre pays, en effet, opposition et pouvoir nous ont habitué à se combattre avec une si vive animosité subjective faites de diatribes insolentes et de piques acerbes qu'un accord quel qu'il soit ne peut pas ne pas paraître ambigu d'autant plus qu'il intervient à un moment où le camp présidentiel se trouve en pleine zone de turbulences. Mais tout compte fait, il ne faudra pas nier cette grande qualité que nous avons de pouvoir dans les situations qui paraissent les plus inextricables opérer des sursauts de classe.

Chaque peuple ayant son génie propre, cette prédisposition naturelle peut être considérée comme notre marque, à nous autres sénégalaises et sénégalais. C'est une force interne subtilement diffusée dans tout le corpus social qui a peut avoir raison de n'importe quel démon. Loin de verser dans la sermonnade de faux prophète, nous souhaitons que cette richesse inépuisable soit investie à tous les niveaux dans tous les domaines de la vie de notre société. C'est en tentant l'impossible qu'on donne la chance au possible !

Cette concertation nationale permanente peut préfigurer la voie sénégalaise. Elle servira notamment à l'avènement d'hommes d'Etat en lieu et place des Etats d'âme ambulants que nous subissons plus qu'ils nous intéressent. La voie sénégalaise doit être un raccourci pour l'Etat du Sénégal afin de régler efficacement les problèmes de la nation. Ces problèmes sont si urgents qu’ils ne peuvent faire l'objet, outre mesure, de solutions trompe-l'œil et que continuer à différer leur prise en charge véritable ne peut être assimilé qu'à de la méchanceté.

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