mercredi 7 avril 2010

La terre, les hommes et l'Etat ( par Moussa THIANDOUM )

Les théories du développement foisonnent. Il fut même un temps oú elles poussaient comme termitières après la pluie tant il était de bon ton pour ne pas dire intellectuellement correct d’en produire...

Et si la ca-dence au fil du temps s’est estompée, c’est plutôt parce que les institutions financières internationales avaient fini de confisquer la pensée dans ce domaine et de faire du développement des pays pauvres leur chasse gardée. Ce diktat s’expliquait aisément par plusieurs raisons dont une est que qui paie, commande. Une deuxième est que la plupart des pays colonisateurs d’antan se sont lassés de leurs ex-colonies par suite de l’inefficacite affligeante des politiques de développement supportées à coup de milliards de dollars.
Une troisième, c’est cette opinion largement répandue, qui vaut ce qu’elle vaut toutefois, formée par l’idée d’une incapacité notoire des dirigeants - politiciens, technocrates et intellectuels – du tiers monde à définir, planifier et exécuter le développement de leurs pays respectifs.
Cette opinion n’est elle pas corroborée, chez nous, par le soudain affaissement de la volonté de l’opposition de dialoguer avec le pouvoir ? Que dire de cette opposition qui se refuse d’être le bureau d’études du pou-voir ? Fuite en avant ou mascarade ?
La liste est loin d’être exhaustive…
Aujourd’hui, quand même, les institutions financières internationales ont mis beaucoup d’eau dans leur vin
Pourrait il seulement en être autrement au regard de la vive désapprobation des militants tiers mondistes qu‘elles suscitent ?
C’est que d’une part la stérilité thérapeutique de leur programme et d’autre part, la fréquence des turbulen-ces de l’économie mondiale ont fini par convaincre de la faiblesse de leur doctrine économique.
Mais au fond, nous devons bien convenir que si la théorie du développement pèche de façon aussi lamenta-ble, c’est bien parce qu’on s’y est toujours pris d’une mauvaise manière. Au juste, qu’est ce qu’on veut bien faire ? Combattre le sous développement ou promouvoir le développement ?
Aussi, cette indétermination se manifeste-t-elle par une posture non moins insolite : d’un coté, l’on fustige l’état de sous-développement comme résultant d’un impitoyable ordre économique international et de l’autre, on pose des actes renforçant plutôt cet ordre abhorré. C’est comme si finalement on a voulu tuer le taureau du sous développement en le prenant par la queue, selon la technique éprouvée, en milieu éleveur, du « mboss ».
Cependant qu’on aurait du le prendre par les cornes de la pauvreté. La pauvreté qui afflige l’écrasante majo-rité (plus des 2/3) de la population du tiers monde et réduit leur existence à une cruelle lutte pour la survie qui peut s’énoncer sous toutes les formes depuis les migrations – exode rural ou émigration – jusqu’a l’infanticide moralement reprouvé. Que la plupart des projets développeurs d’aujourd’hui soient sous tendus par le noble objectif de lutte contre la pauvreté ne doit pas nous éblouir, outre mesure, au point de confondre la proie et son ombre. En effet, les raisons de cette pauvreté sont fort nombreuses et elles font intervenir une fourchette variée de facteurs d’ordre géographique, économique, culturel, historique ou psychologique et j’en passe !
Mais quelle que soit la diversité des causes du sous développement, il en est une que l’on retrouve partout, c’est l’occupation du sol par la population. Rendu par un concept moderne, nous dirions aménagement du territoire.
Dès lors, lutter contre la pauvreté c’est promouvoir un bon aménagement du territoire qui découle d’un arbi-trage dynamique entre production et habitation, une allocation harmonieuse de la terre par rapport aux be-soins de la population. Tant il est tautologique de dire que tout ce qui pourvoie aux besoins essentiels des hommes provient de la terre !
Le Sénégal ne saurait y échapper. Déjà, les Niayes, s’étendant de Thiaroye au Diender en passant par Yeum-beul, Malika et Keur Massar, jadis greniers de l’agglomération dakaroise, ont été mis à sac par la spécula-tion foncière qui s’accommode de l’urbanisation sauvage galopante.
La faillite de l’économie de traite arachidière ainsi que notre récente cruelle expérience de la crise alimen-taire qui a eu raison de notre ambitieux programme d’infrastructures nous invitent, en guise d’enseignement et en toute logique, à accorder une plus grande importance à l’agriculture vivrière, intégrant fidèlement no-tre matrice de consommation.
Le Sénégal ne peut plus faire continûment l’impasse sur cette question d’aménagement optimal de notre ter-ritoire devenue incontournable. Pour ce, non seulement il dispose des compétences nécessaires qui ne de-mandent qu’à être utilisées à bon escient dans le cadre d’un processus d’investissement mûrement réfléchi et largement partagé. Mais encore, ce serait une nouvelle jeunesse pour les sociétés publiques immobilières qui reprendraient ainsi du poil de la bête pour endiguer les sources de litiges fonciers.

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