mercredi 7 avril 2010

INTERDIT D'EN PARLER ? ( par Mangoné SALL )

Les poussées de fièvre qui s’emparent de temps à autre de la vie politique nationale cachent mal les houles quotidiennes qui agitent la vie interne des partis politiques.

Les tournures tragiques que prennent parfois ces querelles intestines omniprésentes nous font penser que chaque parti recèle en lui les germes de sa propre destruction et partant, expliquent la frilosité dont font montre les partis, surtout ceux au pouvoir, dans la tenue des congrès qui sont devenus ainsi de véritables épreuves redoutées par tous.

Ne dit – on pas du PDS aujourd'hui ce qu’on disait exactement du PS, hier , à savoir que le problème du parti au pouvoir c’est lui même ?

On peut ainsi compter aisément le nombre de partis qui ont organisé des congrès « ordinaires ». A notre connaissance, depuis bientôt dix années, période qui correspond paradoxalement à l’accélération de « la recomposition politique » marquée notamment par une valse empirée des militants et des partis d’un bord à l’autre.

Cela donne une image de partis pétrifiés par des structures ankylosées et de responsables qui ont fini de se momifier dans l’appareil ; laquelle image nourrit, au demeurant, le débat portant sur l’absence de démocratie interne au sein des partis politiques.

Ces derniers, en effet, sont le lieu d’antagonismes perspicaces et scabreux entre anciens désignés comme barons et nouveaux militants « néophytes », entre riches et pauvres, entre " princes " et "roturiers", entre "nobles" et "castés", ce qui en fait la peinture achevée, en format miniature bien entendu, de la société sénégalaise.

C’est que dans les partis politiques, les positions dominantes sont considérées le plus souvent comme des conquêtes définitives ! Et la responsabilité en incombe partiellement au culte des noms. Le parti est davantage lié au nom du leader, la seule constante ajoute - t – on, qui a tendance à en faire sa propriété exclusive.

Comme pour dire que la direction du parti n’est jamais en reste, pour autant, elle qui sous le prétexte de veiller à la crédibilité et l’unité de façade du parti se montre toujours frileuse dans la perspective de lâcher la bride à la base pour faire son choix. Y aurait il des équilibres supérieurs au nom de l’intérêt supérieur du Parti à préserver vaille que vaille, même au détriment des militants ?

Combien de partis ont changé le nom de leur secrétaire général depuis sa création ? Trois, seulement ! la LD/MPT, le PIT et le RND ; l’un par putsch, les deux autres pour cause de décès du responsable en activité. Dans tous les autres, règnent des responsables intouchables ad vitam !
A l’exception notoire, cependant, du Parti Socialiste mais qui ne doit sa singularité qu’au simple fait qu’il ne dispose pas encore, à proprement et logiquement parler, de responsable. Monsieur Ousmane Tanor Dieng n’assume que des fonctions transitoires, donc provisoires, puisque qu’aucun congrès n’a encore entériné la démission du Président Abdou Diouf !

Cette réalité qui démontre que la vivacité de notre système démocratique ne doit absolument rien aux partis politiques qui ont pourtant la charge de le façonner, le gérer et l’animer en vertu de leur qualité de réceptacles et vecteurs naturels des revendications et espérances des masses populaires pour le compte desquelles ils engagent la lutte démocratique et exercent le pouvoir, procéderait, en fin de compte, de cette conviction tenace, largement partagée, quant à l’issue incertaine des congrès. Le parti politique peut bien s’entendre comme un syndicat !

Le fameux congrès sans débat de 1996 du Parti Socialiste qui a marqué le commencement de la fin pour ce parti authentifie cette opinion, si elle ne la sert pas, selon laquelle le congrès n’est plus tout à fait ce moment d’accouchement de la ligne officielle du parti, conçue à partir de la confrontation d’idées tirées de l’expérience du vécu et de l’analyse de la conjoncture.

Il ne servirait plutôt qu’à élargir les fissures des façades qui proviennent des ambitions antinomiques dont le plus sûr moyen de venir à bout jusqu’à présent est la légitimation par « coup de force », un des aspects des forfaitures ( parachutage, blindage, etc…) reprochées aux directions de parti.

Les récents congres de l’URD et de AJ/PADS n’ont pas dérogé, en tout cas, à la règle !

La guéguerre politicienne inter - partisane à laquelle on assiste ne peut - elle pas dès lors s’énoncer comme une transposition à grande échelle de la réalité intra - partisane ?

En tout état de cause, de notre point de vue, l’analyse de cette absence de démocratie interne n’est intéressante que dans l’hypothèse hautement probable d’un parti qui accède au pouvoir et pour peu que cette ambiance d’unité dans la désunion, ou vice-versa, puisse déborder les limites du parti et porter, ainsi, atteinte à l’intégrité des institutions de la République et par voie de conséquence corrompre le fonctionnement de l’Etat.

Ne perdons pas de point de vue que les réalités d’un parti au pouvoir sont aux antipodes de celles d’un parti de l’opposition. La différence tient à ce qu’au pouvoir, on partage l’opulence, ce qui requiert des talents de funambule, tandis que dans l’opposition, on gère plutôt la précarité qui ne demande que du bon sens minimal...

A cet égard, il suffit tout simplement de repenser à la gestion calamiteuse qui aura dépassé, dans notre entendement de sénégalais, les limites de la normalité, de l’irruption du courant du Renouveau au sein du Parti socialiste, en 1997, et de la mise à l’écart de Idrissa Seck en 2004 et de la Fronde des 14 députés PDS, en 2005, notamment en évoquant le rôle pittoresque et peu honorable que l’on a fait jouer à l’Etat !

Tout autant que ses compagnons de galère, Djibo Kâ, administrateur civil, s’est vu, par exemple, privé de son salaire, mis en congé forcé, traqué et placé de fait sous contrôle judiciaire par la seule volonté de ses rivaux politiques qui avaient obtenu sa tête. …

Idrissa Seck aura connu bien pire. A quelle fin sinon celle d’anéantissement moral, une campagne de presse d’une extrême virulence a t elle été déclenchée contre lui ? Pour détruire ce citoyen qui à ce que l’on sache est un être humain à part entière ? Que l’histoire du Sénégal retiendra pour avoir occupé de très hautes fonctions politiques et assumé des responsabilités de première catégorie.

Dans les deux cas de figure, non seulement les droits-de-l’hommiste si prompts à monter leurs chevaux des grands jours, l’écume à la bouche, pour des peccadilles se sont abstenus de se prononcer sur ces atteintes très graves à l’intégrité de personnes humaines, coupables de quoi au juste ?, mais encore la justice n’en a pipé mot, elle qui pourtant a la charge exclusive de dire le droit dans la Cité.

Il paraît donc tout à fait indiqué que les traitements extraordinaires servis à des camarades et freres de parti tout autant que le comportement sujet à caution de leur non moins camarades ou frères de parti embusqués dans l’Etat et abusant de la puissance publique doit amorcer une réflexion ou poser le débat sur les prérogatives du citoyen - contribuable vis-à-vis de l’Etat et de la République mais aussi quant aux garanties offertes par le pouvoir judiciaire aux justiciables que nous sommes tous, sur le même pied.

Le nouveau courant qui sourd des flancs du PS et parrainé par Robert Sagna et Mamadou DIOP, figures socialistes tout aussi emblématiques, est une étude de cas fort intéressante qui s’offre à nous dans la mesure où elle concerne pour la première fois un parti d’opposition…

N’est ce pas absurde, en fin de compte, de tenter de convaincre de l’indépendance de la justice si les actes posés, au quotidien, tendent à prouver exactement le contraire ?

Parce que si ces comportements stupides ont pu être affichés sans crainte et sans précaution, donc au mépris de tout, c’est qu’il y a bien une cause. Laquelle ?

Est ce parce que l’espace - parti est un espace extra - judiciaire ? nous retenons, à ce propos, avec beaucoup de satisfaction l’initiative fort pertinente de Idrissa Seck qui avait commis des avocats américains pour « étudier » la mesure prise d’exclure Diattara du PDS

Ou alors parce que les rapports entre le parti et son militant priment sur les rapports entre le citoyen et la République ou sur ceux qui existent entre l’Etat et son contribuable ?

En tout état de cause, rien ne saurait justifier que l’honneur d’un homme soit jeté à la curée, quelqu’en soit le cadre. Ne serait ce que pour cela, ces dysfonctionnements interpellent tous !

Un amendement de la loi ne s’imposerait – il pas dans le sens d’imposer à tous les partis une tenue régulière des congrès ? Ou à tout le moins, le calendrier républicain ne devrait- il pas "couvrir" la vie des partis politiques ?

Les partis politiques pouvant, en démocratie, être considérés comme des fabriques de Président, institution républicaine suprême ; derechef, leur management se doit d’être transparent aux yeux de la société.

Ce par rapport à quoi, le congrès s’impose comme la condition sine qua non ; en même temps qu’il est précaution élémentaire toujours pour ceux là pour démontrer leur prédisposition au débat contradictoire fondement de la démocratie et leur légitimité indiscutable au sein de leur parti.

L’opinion est elle en droit de continuer d’accorder du crédit à un aspirant président qui se débine devant la nécessité fatidique du congrès ?

La cohésion et l’unité d’un parti apparaissent de plus en plus comme des paramètres essentiels dans l’équation de la sauvegarde de l’intégrité de l’Etat… Elles sont appelées, pourquoi pas, à occuper une pole position parmi les facteurs déterminants du choix de l’électeur…

Nonobstant le contexte qui prevaut et prefigure le financement public des partis politiques ? !

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