Extraits du discours du President du Conseil Constitutionnel, Monsieur Papa Ousmane Sakho
:
Par cette cérémonie rituelle, il vous incombe de prendre un engagement à
la fois juridique et moral , celui de tout mettre en œuvre pour la
réalisation des rêves de bonheur, de prospérité, de justice et de
sécurité de vos concitoyens.
Vous êtes aussi appelé à prêter ce
serment dans un contexte africain encore marqué par l’instabilité
politico-militaire, l’extrémisme violent et les conflits
ethnico-religieux, et dans un contexte national où des clivages de tous
ordres se font jour.
....si l’élection
présidentielle est....également, un moment
d’introspection générale au plus profond de notre « moi » collectif et
un critérium pertinent, permettant de mesurer la maturité de nos
institutions républicaines, de notre conscience citoyenne, et aussi
l’ancrage de nos élites politiques et intellectuelles dans ce qu’il
convient d’appeler « une culture de l’État de droit ».
Le pacte
démocratique et l’État de droit supposent, en effet, un rapport positif à
la loi et aux institutions, c’est-à-dire, pour reprendre le mot de
François OST, une « inclination à la civilité » républicaine.
Ils
supposent, en outre un respect mutuel et un esprit de dépassement entre
les acteurs du jeu politique, en vue de surmonter la suspicion entre
adversaires politiques, afin de trouver un minimum de consensus sur les
questions essentielles, notamment en matière électorale.
Ils
supposent, enfin, la participation active à la vie de la Cité, de
personnalités indépendantes et suffisamment équidistantes des parties
qui pourraient se trouver en situation de conflit, pour se donner la
légitimité d’arbitres ou de médiateurs impartiaux, en vue de la
pacification de l’espace social et politique.
Il semble bien que des efforts soient encore nécessaires en la matière.
L’histoire politique du Sénégal n’a certes pas été un long fleuve
tranquille. Parfois, elle a, en effet, mis en présence des adversaires
irréductibles. Ces derniers ont cependant toujours su prendre
suffisamment de hauteur, pour s’asseoir autour d’une table, afin de
trouver des points d’équilibre improbables et des consensus inédits, en
vue d’aller toujours plus avant dans notre longue marche sur le chemin
de la démocratie.
Force est de constater aujourd’hui, une mutation
des mœurs politiques à travers la substitution au dialogue fécond, des
monologues parallèles, faits d’invectives et de calomnies dans les
médias et les réseaux sociaux.
. ...Ces électeurs,
composante anonyme et laborieuse de la société, n’ont fait ni vœu de
contestation systématique, ni allégeance inconditionnelle à quelque
chapelle politique que ce soit. Ils savent cependant que leur voix
compte, et attendent patiemment le jour du scrutin pour exprimer leur
choix.
Il faut apprendre à les respecter et à compter avec eux.
Le discours politique gagnerait à s’élever à la hauteur de la
conscience citoyenne de ce peuple, afin que le Sénégal reflète enfin et
pour toujours, l’image de la démocratie mature et apaisée qu’il est
réellement.
Monsieur le Président de la République,
Si cette élection du 24 février 2019 a été si particulière, c’est
aussi et, peut-être surtout, parce que de nouvelles perspectives
économiques semblent s’ouvrir pour notre pays.
Elles en ont décuplé les
enjeux et exacerbé les passions. Les Sénégalais sont conscients qu’ils
entrent dans une nouvelle ère. Ils l’appréhendent autant qu’ils
l’espèrent, car ils savent qu’elle sera, en fonction de ce que nous en
ferons, une bénédiction ou une malédiction.
En vous faisant dépositaire de
leur confiance, vos compatriotes vous confient surtout leur espoir de
paix, car la paix est aux États ce que la santé est aux hommes : sans
elle, rien n’est possible. On ne le sait, souvent, qu’après l’avoir
perdue.
Ils vous confient aussi leur espoir de cohésion nationale,
afin que dans ce monde plein d’épines, le Sénégal reste un espace de
paix d’où seraient bannis les affres de la division et la violence, sous
toutes ses formes.
Les Sénégalais vous confient enfin l’avenir de
la jeunesse exposée au fléau de la migration clandestine, afin qu’elle
ne se mue plus jamais en Argonautes des temps modernes, errant à travers
déserts et océans, dans une odyssée où, elle ne rencontre que
désillusion, intolérance et humiliation.
Il s’agit certes d’un phénomène
complexe et difficile à éradiquer, mais, s’agissant d’une question qui
engage notre dignité d’Africains, le difficile, c’est ce qui doit être
fait tout de suite, l’impossible devant juste prendre un peu plus de
temps.....