mercredi 7 avril 2010

Peaux de gor, esprit badolo ! ( par Saourou THIEBANE )

Parce qu'il est un être social, l'Homme entretient une relation ineffable avec la société. La société influence très fortement l’Homme parce qu'il est, à sa naissance, une immense probabilité, un champ de possibilités, une virtualité.
Puisque, chez lui, l'acquis prédomine l'inné, l'homme est un reflet fidèle de la société dans laquelle il évolue ; il véhicule les valeurs du groupe ou celles de la majorité du groupe, étant donné que l'homogénéité est une vue de l'esprit.
Si bien que les comportements déroulés par l'homme sont donc des réflexes conditionnés par et dans le groupe. Que le changement soit inscrit dans l'ordre naturel des choses, fort bien mais il n’en reste pas moins vrai que c'est, en définitive, la tyrannie de la majorité qui semble orienter le cours normal des choses.

L'observation critique de la société par un de ses éléments n'illustre, dès lors et tout au plus, que la nature complexe de l'homme qui est le siège de la lutte acharnée que se livrent, entre autres, cœur et raison ou encore esprit et intuition. Cette confrontation permanente - violente ou pacifique - en fait tout naturellement un rebelle à tout ordre préétabli.

Cela dit, cette rébellion ne peut aucunement servir de bouclier ou de préservatif contre l'influence agressive du milieu. Que cela soit clair ! Ce n’est pas parce qu’un élément endogène se penche sur « sa » société qu’il est vacciné contre les turpitudes de cette société. L’activité réflexive ne saurait être assimilée à une incantation.

Les comportements paradoxaux que nous observons chez les Sénégalais ne sauraient donc être mis au compte de personnages désaxés mais, bien plus, ils sont des incidents symptomatiques, les signes cliniques d'une société dérangée.

Ainsi des comportements de tout temps réprouvés par la morale sociale ont fini de s'imposer avec une vigueur exceptionnelle comme valeur positive sacralisé par une base idéologique. Ils s'observent dans tous les secteurs de la vie.

La religion, donc Dieu, des valeurs tutélaires comme le 'diom', la 'kersa', le 'mougne', la 'sutura' et le 'fit' sont charriés ou galvaudés quotidiennement…Avec des conséquences dramatiques sur la gestion en général de la société.

Qu'une personne émigrée revienne au bercail, enrichie par le commerce de la mort (drogue) ou de ses charmes, on s'empresse d'y voir un signe du Ciel qui bénit "le travail de sa maman"… papa et maman sont convoyés à la Mecque ou à Rome, un immeuble est vite construit et les parents déroulent le tapis rouge ! ligeey u ndey aňum dom !

L'école n'est plus considérée comme une fabrique d'humanisme dont la finalité est de garantir de ne pas mourir bête. Elle est simplement une voie de garage, un moulin de retraités prématurés…. Perte temps, rek là !

Les filles, appâtées par les devises qui assurent une vie de rêve, sont en compétition à qui tombera plus rapidement et plus facilement dans les bras d'un toubab pour, bras dessus bras dessous dans une mise indécente, arpenter les ruelles de la ville avec le fi(n)anc(i)é…. Avec la bénédiction de maman et papa qui confiants dans les charmes de leur fifille et absolument certains de rentrer dans leurs fonds au centuple, financent l'opération….

La famille, toujours elle, est la première à démontrer, par l'absurde au besoin, au nouveau promu à un poste de responsabilité que le bien de tous n'appartenant à personne sauf celui qui en a accès, il ne saurait être question que celui ci n'en profitât pas pour prévenir les jours sans. "Ta vache a mis bas. Il faut la traire !"

Ainsi des infrastructures sont réalisées sans aucune assurance de qualité, des organisations aux missions capitales fonctionnent peu ou pas du tout parce que les préposés à l'accomplissement de ses missions sont en quête du statut social, le seul qui vaille… xalis deňu koy li jenté !

Les marabouts se bousculent aux portillons des richards avec les courtisans s'ils ne les reçoivent pas dans leur antichambre au loin des regards enquiquineurs du troupeau. ku def lu rey am lu rey !
Les riches sont en droit d'exiger le pouvoir, tout le pouvoir. Grâce à l'argent, l'Etat est pris en otage, on achète des citoyens comme du vil bétail à tailler à sa merci pour vilipender l'adversaire - ennemi et emprunter les escaliers menant à la magistrature ?

Dans les journaux ou à la radio, c'est la course à l'insolence ; des propos des plus sordides y sont proférés par des gens à l'encontre de l'honorabilité et de la respectabilité d'autres compères sans coup férir. Quelle utilité de dépénaliser la diffamation !

Des ministres de la République sont constamment humiliés par des ressortissants d'une ville qui ne peuvent se rendre à l'évidence de l'éviction d'un de leurs responsables politiques. Vive l’anarchie ?
Que le Président invite au dialogue national absolument nécessaire pour codifier une bonne fois pour toutes la continuité de l’état – ne serait ce que pour éviter à jamais les débuts calamiteux du régime de l’alternance -, ça n’est qu’une ruse de politicien retors !

La société s'en trouve désabusée, saturée qu'elle est par le venin de l'esprit badolo très corrosif.
On comprend donc pourquoi à un moment donné, c’était au début des années 70, l’expression « pesanteurs culturelles » fut mise en selle par les critiques du tiers-mondisme. Il s’agissait, en fait, de signaux d’alerte que l’on a malheureusement dédaignés. A notre décharge, il se peut bien que les esprits aient été tout simplement abusés et de bonne foi par le fait que le véhicule idéologique emprunté par les critiques exhalaient de forts relents racistes.

En écartant les réactions épidermiques dictées quelque fois par la mauvaise conscience, pour examiner les choses dans l'éclat de leur nudité totale, pourquoi ne pas se faire une raison que certains de ces arguments développés ne sont que des contributions au débat qui reste ouvert.

En effet, le développement arrive t-il là où aucune prédisposition n'existe pour l'accueillir ? Au Sénégal, le problème est aussi sérieux. Parque nous sommes l'un des pays chouchou des bailleurs de fonds mais également un pays dont la gestion macro-économique est jugée très performante, sur le plan financier en tout cas…

D'où vient il, alors, que cette performance ne ruisselle t elle pas dans le corps social ? Ou plutôt, d'où vient l'incapacité de l'Etat à formuler une politique qui permette efficacement de transférer ses prouesses macro sur le champ micro ? De la culture même, évidemment !

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