Ceux qui s’attendaient à voir le gourou revenir, tel un prophète chevauchant un étalon, risquaient d’être déçus. Pour la bonne et simple raison qu’il n’y avait ni flambeau à transmettre, ni relais à passer.
Ce fut une rencontre ineffable, entre un antécédent et son image, ou encore, entre une dérivée et sa primitive, dont la durée profane ne pouvait restituer ni l’intensité ni les contours. Un instant fugace. Un battement de cils. Une expiration plus longue que d’habitude. Où il fallut une langue plus ancienne que le langage, une mémoire plus profonde que l’histoire.
S’attaquer à la pauvreté, c’était s’en prendre à la surface. La quête de grandeur, elle, devait devenir la logistique du développement de l’Alkebulan. Non pas en tant qu'option morale, mais une infrastructure vitale. Car une économie ne se fonde pas seulement sur les besoins : elle se construit aussi sur les miroirs. La grandeur ne s'imposait plus, elle se pressentait !
Le gourou était rentré. Métamorphosé, sans discours. Un changement de stratégie s’imposait. Son vent devait devait souffler plus fort encore dans tous les coins du continent, redonnant leur fierté aux masses laborieuses alkebulanaises, réinsufflant chez la jeunesse cette dignité que leurs aînés avaient vue s’effriter. Mais à la condition, toujours, de ne pas employer les armes maléfiquement éprouvées des adversaires. Les prochaines batailles se jouerait dans les narrations souterraines, dans ces vérités orphelines que les peuples ressentaient sans pouvoir les formuler.
Alkebulan devait prendre part à cette structure du monde où les échanges ne reposent plus sur l’utilité, mais sur l’image que chacun veut donner de sa puissance. L’individu y devenant une marque. La nation, une posture. La production ? Un symptôme de projection narcissique.
Et pourtant, malgré son trouble de bon samaritain visiblement troublé par l’image douloureuse qu'offrait la pintade de Tangun qui caquetait, désespérée, devant le déferlement à grande vitesse d’une vérité trop vaste, trop redoutable pour elle, l’Ouroboros était attendu sur tous les fronts pour que sa mission en fut retardée. Le devoir l’appelait. À l’intérieur. Au centre de la ruche. Ou tout était dense !
Les anciens maîtres avaient déserté, mais leurs dispositifs étaient toujours en place : inertie programmée et culte de la forme, des poisons doux, administrés à faible dose, génération après génération.
Et il fallait battre le fer pendant qu'il était chaud. Quelque chose frémissait. Quelque chose qui ne demandait ni consensus, ni programme. Une révolte plus vraie que la stratégie, plus contagieuse que l’idéologie : le désir d’habiter à nouveau le corps collectif.
L’Ouroboros le sentait. Ce souffle, il fallait l'attiser jusqu'à incandescence. Il devait brûler assez pour consumer les peurs, pas trop, pourtant, pour ne pas consumer ceux qui portaient les souvenirs des anciens désastres.
Pendant ce temps, le monstre, chat échaudé par l'eau chaude de la squaw, se débattait plus qu'il ne s’agitait dans les couloirs des palais de ses tontons qui l'avaient pourri-gâté. On ne le nommait plus que par ses initiales, polies par les ONG et les think tanks, comme le produit d’exportation qu'il a plus clairement incarné, cherchant à chaque prise de parole à assécher la bauge de ses années de persécution du gourou et ses haillonneux.
Il était cependant loin d'être tranquille. Et si l'Ouroboros sortait enfin de sa réserve pour prétendre à cette reconnaissance internationale ? L'activisme de la squaw devait bien avoir une raison. Et ce, d'autant que ses oreilles avaient été écorchées par quelque murmure : Et si c’était lui, l’homme de demain ?
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