Le Président Macky Sall a stigmatisé, le 26 octobre 2012, la gangrène de l’argent sale dans l’économie sénégalaise.
Le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba), a régulièrement pointé du doigt le secteur de la construction immobilière et les réseaux informels de transfert d’argent ainsi que ceux de l’importation de véhicules qui sont aussi devenus des boulevards prisés par les «blanchisseurs».
Le procès qui est en cours au Tribunal de Thiès pour une sordide histoire de drogue dure, d’extorsion de fonds, une affaire manifestement consécutive à une guerre larvée de gangs de narcotrafiquants, renseigne sur l’ampleur du phénomène.
C’est devenu un lieu commun de dire que le Sénégal constitue aujourd’hui une plaque tournante du trafic international de la drogue.
Dans certains bars, restaurants, dancings de la station balnéaire de Saly Portudal, on parle plus l’Espagnol et le Portugais que le Français. C’est dire que les latino-américains et autres ressortissants de Guinée-Bissau et de pays lusophones y ont étendu leurs tentacules.
Les agents des douanes et les gendarmes de la zone avouent leur impuissance de lutter contre ce trafic dont les acteurs disposent d’une énorme puissance financière et de moyens logistiques qui leur donneraient le complexe. La nuit, des vedettes rapides se lancent en haute mer, pour prendre des livraisons fournies par des bateaux positionnés à la limite des eaux sénégalaises.
C’est à Saly Portudal où un hôtel cinq étoiles flambe régulièrement et à chaque fois se trouve remis à neuf en l’espace de six mois à coups de milliards sans que les assureurs ne réparent un préjudice.
C’est le patron de ce même hôtel, Bernard Touly, qui estime être victime d’une opération d’extorsion de fonds avec de la drogue, planquée à son insu dans son bureau mais qui ne propose pas moins une transaction avec la douane pour un montant de 10 milliards francs Cfa.
Le phénomène est d’autant plus inquiétant que les trafiquants de drogue trouvent des soutiens ou des complicités aux niveaux les plus élevés de l’Etat. La preuve ? Un garde du corps du Président Wade s’était permis de proposer à un haut magistrat de mettre à sa disposition plus de 500 millions de francs pour qu’il jouât sa partition dans l’opération d’achat d’une liberté provisoire pour le trafiquant de drogue nigérian John Obi, alors en détention provisoire.
Le Sénégal était devenu un Etat narcotrafiquant au point que des agents du Fbi s’étaient permis, en 2011, de fouiller la suite du président Wade en visite à New York.
On s’imagine bien que les autorités américaines n’auraient pas pris de tels risques diplomatiques si elles n’avaient pas des informations quant à l’implication du premier cercle du président Wade dans le trafic international de drogue.
Et comme pour l’avouer, le 2 avril 2012, le dernier décret signé par le Président Abdoulaye Wade, avant de passer le service à son successeur Macky Sall, a été celui accordant la grâce présidentielle à Mme Susarah Meiring, une sud-africaine condamnée à dix ans de prison ferme pour trafic international de drogue.
Quand cette grave affaire a été révélée par le journal Libération, le ministre de la Justice d’alors, Cheikh Tidiane Sy, a estimé devoir réagir pour préciser que cette grâce avait été accordée suite à une demande formulée par les autorités sud-africaines.
Une telle explication est on ne peut plus tirée par les cheveux car, si c’est le gouvernement Sud-africain qui l’aurait demandée, quelle urgence y avait-il à signer le décret de grâce à une heure de la passation de service entre le chef de l’Etat sortant et son successeur ?
Ne fallait-il pas laisser le dossier au nouveau Président Macky Sall pour qu’il appréciât de l’opportunité. Force est de dire que le Président Macky Sall a été mis devant le fait accompli et que Mme Meiring s’était empressée de quitter le Sénégal par le premier vol de la South African Airways.
Macky Sall a toutes les bonnes raisons pour traquer l’argent sale dans les circuits économiques du pays. Mais, il devrait balayer d’abord devant sa propre porte.
Cet engagement n’aura pas de sens s’il ne demande pas à son propre Premier ministre Abdoul Mbaye, de s’expliquer sur les graves révélations faites par la publication La Lettre du Continent dans l’édition n° 645 du 25 octobre 2012.
En effet, cette revue basée en France souligne les lignes suivantes : «Annoncé comme imminent, le procès de Hissène Habré devant une juridiction ad hoc à Dakar pourrait fragiliser le Premier ministre sénégalais Abdoul Mbaye, Directeur général de la Compagnie bancaire pour l’Afrique de l’Ouest (Cbao) de 1989 à 1997, si la justice venait à se pencher sur les conditions de gestion des fonds que l’ancien Président Tchadien a emmenés dans sa fuite précipitée de Ndjamena. C’est du moins ce qui ressort de la lecture d’un rapport d’audit commandité fin 2007 par le groupe bancaire marocain Attijariwafa Bank, repreneur de la Cbao et auquel la Lettre du Continent a pu accéder.
Préalablement à la reprise de la banque au groupe Mimran, Attijariwafa Bank avait réclamé ‘’un audit de pré-acquisition’ confié à 36 experts, dont des membres de la branche américaine du cabinet international Ernest & Young.
Durant plusieurs mois, ces experts ont passé au crible les comptes et les opérations de la Cbao. Leurs conclusions sur la gestion de la banque sont pour le moins sévères.
Elles révèlent l’utilisation de comptes appartenant à des clients décédés ou fictifs qui ont permis d’accueillir les fonds appartenant à l’ancien Président tchadien en exil au Sénégal.
Au cours de l’année 1991, des ordres ont été donnés pour que la Cbao émette plusieurs ‘’Bons de caisse au porteur’’, remis en liquide à Hissène Habré.
L’existence d’un listing de comptes de clients fictifs soustraits au contrôle interne de la banque et au contrôle de gestion est également relevée par l’audit.
D’autres opérations auraient par ailleurs exposé la banque à des sanctions de la Bceao en créant un passif ‘’latent/potentiel’’ de plusieurs milliards francs Cfa ‘’susceptibles d’impacter sur la valeur de la Cbao’’.
Enfin, le même rapport explique que les organes de contrôle interne et de contrôle de gestion ont été systématiquement tenus à l’écart, tout comme les administrateurs et actionnaires.
Forts de ces conclusions, les Marocains d’Attijariwafa Bank ont bien failli renoncer à la reprise de la Cbao. En 2008, ils ont finalement conclu la transaction pour 100 milliards francs Cfa.»
Pour l’heure, Abdoul Mbaye fait le dos rond, sinon que certains de ses proches soutiennent que la fuite dans la presse est le fait d’adversaires du Premier ministre. Qu’à cela ne tienne !
Le Premier ministre ne peut pas continuer à se taire sur ces révélations qui le présentent comme un as du blanchiment d’argent sale et le chef de l’Etat devrait impérativement l’amener à s’en expliquer.
Le rapport sur la gestion de la Cbao existe bel et bien et Le Quotidien a pu le vérifier.
Ce serait aussi le rôle des députés d’interpeller le chef du gouvernement sur ces faits que la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) et les autorités de la Bceao ont aussi le devoir de clarifier.
Autrement, le discours du Président Sall sur le blanchiment de l’argent sale n’aura aucun sens si c’est le Premier ministre qui tient la buanderie ou le pressing.
On aimerait aussi bien entendre sur cette question, M. Abdou Latif Coulibaly, ministre de la Bonne Gouvernance et porte-parole du gouvernement.
Madiambal Diagne ( directeur de la publication Le Quotidien )
www.lequotidien.sn
« Hissène Habré a prélevé illégalement plusieurs milliards de francs Cfa avant sa fuite au Sénégal. Il s’agissait d’argent volé au peuple tchadien qu’aucune banque sénégalaise n’aurait dû accepter » a révélé Me Mahamat Hassan Abakar, ancien magistrat, ancien président de la Commission d’enquête du Tchad, auteur aux éditions l’Harmattan d’un livre sur « Les crimes et détournements de l’ex-président Hissène Habré ». Ainsi, il dément formellement le premier Ministre Abdoul Mbaye.
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