vendredi 10 septembre 2010

LES CHIENS DU PRINCE

La gendarmerie fait encore tristement parler d’elle. Cette récurrente barbarie de cette corporation jadis présentée comme une élite pose dorénavant un sérieux problème. On a tout à fait raison de les qualifier dorénavant des forces du désordre.

Qui se livre à son emportement perd son comportement, dit-on, mais comment se taire devant cette injustice, cette énième forfaiture de gendarmes? C’est que nous étions en droit de nous attendre à plus de responsabilité et de retenue de la part de représentants de la loi. On se rappelle la mort toute fraîche du jeune Abdoulaye Wade entre les mains de ces gendarmes sanguinaires. Les résultats de l’autopsie ne prêtent à aucune équivoque.

La scène rocambolesque qui interpelle encore une fois la lâcheté des gendarmes est intervenue à Ross-Bethio précisément, au nord du Sénégal, où une quinzaine d’hommes, au bout d’une dure journée de jeûne, se sont vus littéralement séquestrés par un chef de brigade de gendarmerie. Un chef de brigade ivre au moment des faits, selon certains, mais sans aucun doute possible, indigne non pas seulement de porter un uniforme, mais surtout d’être un humain, a contraint ses otages à se déshabiller pour passer au violon. On relèvera au passage la présence dans ce groupe d’un père et de son fils pour souligner toute la sauvagerie de ce gendarme lubrique.

Ça n’est là, en fait, qu’un baromètre infaillible de la carence d’Etat, des manquements de l’administration centrale qui n’est pas encore parvenue au moment où nous fêtons le cinquantenaire de notre accession à l’indépendance à quadriller de façon optimale cent quatre vingt dix sept mille kilomètres carrés de terre... On peut bien continuer à subir le chantage de la banlieue qui n’a de banlieue que le nom de toute façon. C’est le lot d’un Etat faible. Ses décisions sont chahutées, ses actions toujours suspectes, ses projets très souvent contraints, ses agents méprisés… Who does the cap fit ?

Mais au delà de ce comportement mesquin d’un vilain gendarme, c’est l’attitude des forces de l’ordre à l’égard des populations en général, les populations rurales en particulier.

Dans ces contrées rurales à l’habitat clairsemé, dans ces hameaux habités par des gens entièrement absorbés par le combat ardu de leur survie, des énergumènes travestis en couleur bleue et noire se prennent pour des dieux. Ils usurpent tous les statuts que confère la république au travers de ses institutions et s'accaparent, ainsi, de tous les rôles. Une posture permissive qui ouvre la porte à tous les abus dont ils ne se privent point aussi bien sur le plan moral que sur le plan matériel...

Là bas, en effet, l’uniforme confère des droits exorbitants et fait adopter des conduites liberticides. Les bavures qui en résultent ne se comptent tout simplement pas. L’honneur de chefs de famille publiquement bafoué n’en est pas le moins à considérer. Le Forum Civil a mieux à faire, comme on le voit, que d’auditionner de vulgaires politiciens et des imposteurs en quête de vengeance sur l’histoire…

Ils y sont préoccupés par tout sauf par la sécurité des biens et des personnes ou de l’observance des lois et règlements de la république, ce qui est leur seul droit d’être. Nos frontières sont ainsi des passoires pour le grand banditisme transfrontalier qui se nourrit du vol de bêtes domestiques (chevaux, ânes, bœufs, moutons, chèvres…)

Les agents de la loi y pactisent, en permanence, avec le diable dans leur quête effrénée du lucre, conséquemment à leur logique d'asservissement des populations considérées comme des moins que rien. Poulets, argent, moutons et cabris sont des rançons indûment perçues. Les gardes à vue y durent une éternité, au mépris de la loi, tant que la famille ne s’est pas acquittée de ladite rançon et les malheureux otages sont pendant ce temps réquisitionnés (oui !) pour des travaux dégradants et pénibles, le plus souvent dans les domiciles de leurs ravisseurs. C’est qu’il est bien indiqué de parler d’otages et de ravisseurs entre les gendarmes et les populations dans ce cas-ci.

Mais j’oubliais que le chien d’un prince est également un prince!

Dans tous les domaines, malheureusement, la société sénégalaise offre l’image d’une superposition de communautés fonctionnant à des vitesses différentes et qui finalement ne partagent guère l’arlésienne du commun vouloir de vie commune.

Nous aurions du pain sur la planche….si d’aventure nous ne vivions pas des temps difficiles où n’existent plus de place pour les humbles et les infortunés.

Mais la résignation est la plus terrible des faiblesses chez l’homme.

Hamidou Bodian

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