Ferloo.com- Le magistrat Ibrahima Dème a démissionné de la
magistrature. Il a rendu sa décision dans une lettre publique. Lire in extenso cette lettre.
Mes chers compatriotes,
Il y a un peu plus d’un an, je démissionnais du Conseil Supérieur de
la Magistrature pour dénoncer l’instrumentalisation de cette institution
par l’exécutif.
Depuis lors, la magistrature est de plus en plus fragilisée, voire
malmenée de l’intérieur comme de l’extérieur. Il en est résulté une
crise sans précédent de la justice qui a perdu sa crédibilité et son
autorité.
Aujourd’hui, elle ne joue plus son rôle de gardienne des libertés
individuelles, de régulateur social et d’équilibre des pouvoirs.
Je démissionne d’une magistrature qui a démissionné.
Cependant, je ne capitule point, car je resterai indéfectiblement
attaché au combat pour l’indépendance de la justice, indispensable pour
la survie de notre nation et de notre démocratie. Ce combat ne saurait
en effet être celui des seuls magistrats.
Il faut néanmoins souligner que le naufrage de la justice, c’est non
seulement un manquement du Président de la République à son obligation
constitutionnelle de garantir l’indépendance de cette institution ; mais
c’est avant tout la responsabilité d’une importante partie de la
hiérarchie judiciaire qui a distillé dans le corps, une culture de
soumission qui a progressivement remplacé une longue culture d’honneur,
de dignité et d’indépendance.
Mais, au-delà de la justice, c’est tout le pays qui est en détresse.
Les sénégalais sont fatigués.
En effet, aucun secteur de l’économie nationale n’est actuellement épargné par la précarité.
Les sénégalais sont écrasés par le coût élevé de la vie, le chômage
chronique et sont obligés de subir l’insécurité, l’indiscipline, la
corruption et l’insalubrité.
Toutefois, la plus grave crise qui frappe actuellement notre société
est une crise morale. Nos valeurs cardinales de dignité, d’honneur, de
probité et de loyauté sont presque abandonnées au détriment du
reniement, du non-respect de la parole donnée, de la trahison, du
mensonge etc. qui sont cultivés par les plus hautes autorités et ce,
dans la plus grande indifférence.
Les fonctionnaires qui jadis, étaient fiers et jaloux de leurs
valeurs de neutralité, de désintéressement et soucieux de l’intérêt
général sont désormais contraints d’adopter une honteuse posture
partisane et politicienne qui est la seule permettant d’accéder ou de
conserver des postes de responsabilité.
Et, ceux qui refusent d’adopter
un tel comportement, sont malgré, leur compétence et leur probité,
marginalisés et perdent de ce fait, toute motivation indispensable à la
bonne marche du service public. La politique politicienne et les
intérêts privés, ont désormais pris le dessus sur les intérêts
supérieurs de la nation, de sorte que ceux qui décident ne savent pas et
ceux qui savent ne décident pas.
En lieu et place d’une gestion transparente, sobre et vertueuse
promise, on constate une gouvernance folklorique, clientéliste,
népotiste, gabegique et laxiste. Nos maigres ressources de pays pauvre
et très endetté sont dilapidées à des seules fins politiciennes. Nos
libertés publiques, durement acquises depuis des décennies, sont
désormais devenues conditionnelles. La démocratie et la bonne
gouvernance ne sont plus qu’un leurre.
Chers compatriotes,
Il faudra le clamer fort, la décadence de notre société est certes la
responsabilité d’une même classe politique qui nous dirige depuis des
décennies, mais c’est aussi et surtout notre responsabilité d’avoir
toujours laissé faire. Notre abstention est complice, notre silence
coupable. Et devant le tribunal de la postérité, notre culpabilité
criera plus fort que la leur.
Chers compatriotes,
Nous sommes à la croisée des chemins. Par conséquent, toutes les
forces vives de la nation doivent sortir de leur résignation, de leur
indifférence par rapport à la grave situation de notre pays.
Sortons de nos égoïsmes, pensons moins à conserver le confort de nos
situations et remplissons plutôt nos devoirs vis-à-vis de notre pays qui
nous a tout donné et que nous ne devons pas léguer, exsangue à nos
enfants. Sortons de nos hésitations, vainquons nos peurs pour affronter
avec courage les défis d’un Sénégal nouveau.
Pour ce faire, une nouvelle mentalité doit émerger. A vrai dire, la
seule émergence qui vaille aujourd’hui, c’est l’émergence d’une nouvelle
citoyenneté, l’émergence d’un patriotisme nouveau, l’émergence d’une
nouvelle gouvernance, seules capables de vaincre le statu quo et de
porter un développement durable et harmonieux.
Chers compatriotes,
L’avenir du Sénégal nous concerne tous, c’est donc à nous de le
construire. Soyons persuadés que nous méritons mieux que notre médiocre
sort. Nous devons impérativement reprendre notre destin en main en étant
convaincus que notre patriotisme sincère vaincra sans doute les calculs
et manœuvres des politiciens professionnels.
Ensemble, changeons le Sénégal !
Ibrahima DEME
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire