Un jour, raconte-t-on, il se passa
ce qui suit :
La souris avait grignoté les
vêtements du tailleur. Le tailleur alla trouver le juge, le
babouin, en train de boire.
Il le réveilla pour se plaindre contre la souris.
Mais la souris accuse plutôt le chat.
Le chat proteste et prétend que c'est le chien qui doit l’avoir fait.
Le chien nie tout et
affirme que c'est le bâton qui l'a fait.
Le bâton rejette la faute sur le feu.
Le feu ne veut rien savoir et pointe son doigt sur l'eau...
L'eau réfute et insinue que c'est l'éléphant le coupable.
L'éléphant se fâche et met
tout sur le compte de la fourmi.
La fourmi devient rouge et ameute son monde.
[…] Le babouin se tenait droit. Il écoutait tout le monde en se
caressant le poil. Il avait prodigieusement envie de vaquer à ses galipettes. Néanmoins,
il convoqua les gens du procès.
Tout le
monde criait à la fois et la confusion était à son comble. La fourmi hurlait tant et si bien que le babouin en avait le vertige.
Il menaça d'évacuer la salle. Au moment de décréter une suspension de séance pour étancher sa soif, le tailleur lui rappela son devoir de juge, en criant plus fort que tous.
Que
devait-il faire ? Que cette affaire était compliquée !
Alors
il dit :
- Moi babouin, juge suprême de tous
les animaux et des hommes, je vous ordonne : punissez-vous, vous même !
« Chat, mords la souris ! Chien, mords le chat ! Bâton,
frappe le chien ! Feu, brûle le bâton ! Eau, éteins le feu ! Éléphant, bois
l’eau ! Fourmi, pique l'éléphant ! Sortez ! J'ai dit. »
Les animaux sortirent et le babouin
alla rejoindre ses compagnons de beuverie.
Ce verdict fut une catastrophe car depuis ce temps-là, les animaux ne peuvent plus se
supporter.
Mais le tailleur ? L'homme attend toujours justice.
Et le babouin, le mauvais juge ?
De par son jugement insensé, il a perdu la faculté de marcher debout.
Quand il veut sortir de chez lui, il se met à courir très vite à quatre
pattes pour que l'homme ne le reconnaisse pas...
Blaise Cendrars
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