dimanche 23 novembre 2025

POUVOIR, FAMILLE, ORDRE...

Qui donc donnait l’onction à un monstre ? Mieux encore : qui recevait, instruisait et bénissait sa candidature à l’infamie ? Car celui qui n’a pas de fondement moral ne changera jamais de nature. On ne devient pas monstre, on naît marqué du sceau de la trahison, comme ces héritiers de chefferies de village destinés à la noblesse mais qui finissent par trahir leur lignée, entraînant les leurs dans la disgrâce.

Tout monstre embarquait sa famille dans sa pirogue de traîtrise. L’histoire sénégalaise en regorge : des clans du Sine et du Saloum où la jalousie entre frères détruisait l’équilibre des saisons, des familles maraboutiques se déchirant pour un bout d’héritage spirituel. Les siens suivaient silencieux, les âmes corrompues par la soudaine aisance de leur vie, les esprits abrutis par les murmures des fils du diable. La loyauté n’existait plus ; seul comptait celui qui pouvait dominer les autres.

Le chef de famille renonçait à toute pudeur morale en rompant ses serments, convaincu qu’il pouvait réécrire l’histoire à son avantage, persuadé que la parole donnée n’était qu’un vêtement que l’on change au gré des saisons. Mais celui qui n’a pas de force ne peut se battre sans s’abriter derrière d’autres forces. Le monstre, lâche par nature, reprenait les mêmes procédés, recyclait les mêmes larbins. Chassé une première fois, il revenait s’appuyer sur les mêmes conseillers véreux, pensant qu’un maquillage rapide ferait de lui un homme nouveau.

Le palace était devenu un capharnaüm, un chaos où personne ne savait qui détenait le pouvoir, ni qui manipulait qui. Les conseillers hypocrites, la belle-mère mégalomane se prenant pour une grande reine, l’épouse ambitieuse rêvant déjà de fondations à son nom, et les cousins affamés affluaient comme si le palais était une simple concession familiale. Tout l’effort du sombre idiot ingrat et vaniteux ouroboros se réduisait au partage des sièges entre parents, caricature parfaite de la lutte pour le pouvoir.

L’ouroboros relançait ainsi la stratégie du chaos. Ses forces des ténèbres l’avaient convaincu d’impliquer Satan lui-même pour accélérer les événements et brouiller les esprits. À force de semer la confusion, on ouvre la porte aux démons. Même si l’on n’a pas besoin d’un gros appât pour attraper une grosse bête, il en fallait du costaud pour attirer Satan, surtout lorsqu’il est occupé à flirter avec les dames Bing, Bang et Bong — ses nouvelles égéries dans les obscurités.

Mais il n’avait pas prévu qu’en face de lui se dresserait une autre espèce, ni ange ni démon : un gardien chargé de consigner les fautes, de noter les reniements sur un registre où rien ne peut être effacé. La vérité demeure : on ne se lave pas de ses propres mensonges.

Les haines les plus empoisonnées naissent des anciennes loyautés trahies ; rien n’est plus corrosif que l’ancien amour devenu rancune. L’illumination opportuniste et perverse qui brûlait le crâne de l’ouroboros fut la goutte de trop. Elle fit exploser la patience du gourou. Il ne repartait pas au combat contre un ennemi, mais contre un souvenir trahi. Pas pour détruire, mais pour restaurer l’ordre, la parole donnée, le principe sacré selon lequel qui aime les hommes doit d’abord aimer la vérité.

Le gourou retourna dans l’arène, non par haine, mais pour rappeler que l’histoire ne doit pas être écrite par ceux qui l’ont souillée, mais par ceux qui tiennent leurs serments. Le cycle des monstres au gourouland ne pouvait se briser que sous le poids de la vérité.


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