lundi 4 juillet 2011

LA PROBLEMATIQUE CASAMANCAISE

Le Mouvement des Forces Démocratiques De Casamance (MFDC) vient de décréter solennellement l’interdiction de toute activité politique dans sa zone d’influence.

Cette annonce extrêmement grave et largement relayée par la presse locale n’a pas suscité, à notre connaissance, le moindre commentaire !

Or elle est de nature à motiver légalement le report du scrutin présidentiel de Février 2012, objet de tant de passions, pour peu que le mouvement irrédentiste en vienne aux actes…

Sans doute que le landernau politicien en effervescence est davantage occupé à décortiquer les tenants et aboutissants du contexte social particulièrement trouble du moment s’il n’a pas déjà compris que son sort est intimement lié à celui du Président de la République, Me Wade !

Quand bien même la relève technocrate se signale parfois par une immaturité inénarrable. Tenez, l’un des candidats technocrates les plus capés aux prochaines élections, Monsieur Moussa Touré, n’a trouvé de mieux à faire que de jubiler par rapport aux émeutes du 23 et 27 juin dernier ; selon lui, le Paradis est descendu sur la terre quand le Sénégal brulait !

Cette sortie inédite du MFDC dénote une nouvelle stratégie de la part du mouvement irrédentiste qui nous avait habitué plutôt à des actions d’éclats dramatiques de lâcheté et révoltants de barbarie. Oui, jusqu’aujourd'hui, le mouvement se composait de bandes de fous furieux qui se livrent sans retenue à un honteux racket des voyageurs, opèrent des razzias dans les villes et campagnes, tuent ou estropient d’innocentes populations civiles.

Et les claustras de notre subconscient ne se sont toujours pas remis des chocs traumatiques des effroyables guet-apens de Babonda en 1995 et Mandina Mancagne en 1997

C’est qu’avec cette rébellion, le Sénégal abrite le plus vieux conflit armé du monde qui a débuté en 1982. Il s’agit sans conteste d’une situation douloureuse autant que peut l’être une épine dans le menton, une image qu’elle évoque assez bien d’ailleurs sur la carte géographique du pays.

La durée du conflit atteste certainement de la complexité du problème qui, à son tour, rend bien compte de l’échec des diverses initiatives déployées depuis lors pour une solution définitive.

Ce qui finit d’en faire un vrai casse-tête duquel bon nombre de bonnes volontés sont revenues de leurs illusions. La duplicité et la lâcheté des rebelles sont passées par là si ce n’est la défiance vis à vis des autorités imputable à l’opportunisme des facilitateurs et le machiavélisme des politiciens.

A chaque fois qu’ils sont en mauvaise posture militaire, ils appellent au cessez-le-feu ; à chaque fois qu’ils sont asphyxiés économiquement, ils n’hésitent pas, toute honte bue, à implorer l’aide alimentaire de l’Etat !

L’un dans l’autre, la navrante impuissance des décideurs par rapport à ce qu’il est convenu désormais de designer par « le Dossier Casamance » inquiète !

Est ce qu’une exacte mesure des enjeux du conflit a été effectuée ou est ce que les différents paramètres du conflit ont été pris en considération ?

Car au fur et à mesure qu’il s’enlise, un conflit acquiert de nouvelles dimensions : l’idéal politique des causes perdues d’avance s’accommode de façon si déconcertante des conduites interlopes.

Il y a bien longtemps, en effet, que la rébellion casamançaise n’est plus séparatiste que de nom. Le mouvement s’est scindé en plusieurs groupuscules d’obédiences et de motivations divergentes, tantôt incontrôlés, tantôt manipulés, tant et si bien que l’Etat du Sénégal s’est fixé l’objectif cocasse de réunifier les « frères égarés » en y mettant des moyens importants pour rendre possible des négociations.

On peut sans doute considérer la démarche comme une œuvre de salut public eu égard aux supposées ingérences, hier à aujourd'hui, de la Gambie depuis toujours, de la Mauritanie à la suite des évènements de 1989, de la Lybie, de l’Iran et de la Cote d’Ivoire !!!

Ceci a l’avantage de nous éclairer sur l’origine de l’armement de plus en plus sophistiqué dont les rebelles sont en possession et qu’ils retournent volontiers contre eux à l’occasion des luttes fratricides qui opposent ponctuellement les factions.

La zone de non droit ainsi constituée de fait par les emprises des rebelles rend possible la poursuite d’activités délictuelles et/ou criminelles, requérant presque toujours l’expertise d’hommes sans foi ni loi venus d’ailleurs, pour assurer l’intendance de la troupe.

Il s’y ajoute que l’atomisation du mouvement accroit d’autant le nombre les procédures de bons offices et par conséquent le nombre d’intermédiaires pour lesquels, le plus souvent, hélas, le conflit est une vraie mine d’or.

On peut bien oser une comparaison. L’atomisation du mouvement irrédentiste est un reflet fidèle de la contexture politique sénégalaise qui enregistre une centaine de partis et mouvements politiques.

Des lors, cette indifférence affichée par les politiciens sur la question aussi cruciale que celle de l’unité nationale est tout simplement bizarre, sachant ce que cela implique. Rien de moins que la suspension de ladite Constitution !

Auraient ils tous fait le deuil de la sénégalité de la Casamance ? On comprend alors mieux les réprobations bruyantes de l’Armée Nationale qui s’est toujours désolée que l’autorité politique les bride au moment de l’assaut final en se refugiant derrière un prétexte très commode à savoir que le conflit casamançais est un problème sénégalo-sénégalais qui ne saurait produire un vainqueur et un vaincu.

Mais une chose est certaine dans l’esprit des sénégalais, les problèmes des citoyens sont le cadet des soucis des politiciens professionnels.

Alfousseyni Nanga

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