Auberge espagnole, cela pouvait encore passer : chacun y apportait son désordre, et en repartait avec un autre.
Cour du Roi Pétaud ? Pourquoi pas ? L’absurde y avait ses rituels et le chaos son protocole. on y riait jaune, mais on y riait encore.
Mais que la horde des haillonneux se mue en armée mexicaine, ça, jamais ! C'était l'hérésie. Car il devait y avoir de l'ordre, même dans le tumulte et un homme au centre..
Le gourou le savait : la horde s’était densifiée mais chaque haillonneux transportait un monde dans sa besace, ses rêves, ses poèmes, ses blessures, ses dogmes et ses rancunes aussi !
Maintenir cette osmose ineffable. Une urgence signalée. Si nul ne tenait la scène comme lui, nul ne captait l’oreille du peuple comme lui c'est parce qu'il n'était jamais seul. Ses fidèles haillonneux étaient des piliers solides !
Et parce qu'il ne rêvait pas. Il avait eu beau se pincer jusqu’à l’os, l’ouroboros avait bel et bien choisi le même angle d’attaque que le monstre.
Mais là où le monstre avait opté pour le bulldozer, l’ouroboros, sombre idiot ingrat, avançait masqué : distanciation glaciale, indifférence calculée, comme s’il rayait son maître d’un carnet diplomatique.
Le ballet d’ombres auprès d’Imeldasse, reine d’apparat, de la Grand'Poupée et la vermine émissaire de l'ancienne sorcière n’avait pas non plus échappé à l’œil affûté du gourou. C'est que quand le roi est bête, la reine devient sorcière !
L’ouroboros, malgré ses postures d’intelligence, n’était qu’un benêt. Un pantin servi d’un plateau à l’autre par les pensiflateurs (ces suceurs de concepts), les ventres bénis (cousins de l’arrogance héréditaire) et ses souris d’or, promené avec luxe de précaution par les devins à gages (menteurs patentés) et ces généraux d’opérette enrubannés de médailles pour services imaginaires.
Chacun s’en repassait la marionnette sous des protocoles plus fantasmagoriques que constitutionnels, plus décoratifs que fonctionnels.
Et c’est pourquoi le combattre ne relevait ni de la guerre, ni de la parole, mais de l’impossible.
Non, le gourou ne pouvait le combattre frontalement. Pas par faiblesse mais par lucidité. Cela serait une parodie de lutte, un duel contre sa propre ombre. Car tout cela, c’était encore son œuvre.
C’est lui qui avait choisi l’ouroboros, lui qui l’avait soufflé, imposé, élevé. C’était sa créature, son reflet mal éclairé.
Il le savait. Il l’avait rappelé à la raison, devant tous, de guerre lasse : On ne trahit pas un gourou, on l’absorbe.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire