La rencontre hautement improbable entre les forces des démons et les forces occultes avait bien eu lieu. Dur, dur de ne pas succomber aux charmes de Dame Nature, la tueuse en série, surtout quand il s'agit de former des gangs !
On ne saura jamais la teneur des délibérations et encore moins, sans doute, l'ordre du jour ayant ponctué la réunion mais mieux encore par quel canal le gourou avait été mis au courant !
Sa riposte avait été tellement foudroyante qu'elle avait amenée le nouveau fils de Satan, Judas le plus grand traître de Laf, à douter de tout et de tous y compris de la superpuissance de son nouveau père, Satan.
Qui avait péché ? Le larbin noir au coeur noir aussi noir que le charbon noir ? Le flibustier pervers, sac de paroles mensongères ? ou bien.... non, tous sauf celui là !
Car le jeune barbu était tout aussi étonné par la tournure des événements. N'est ce pas qu'au sortir de la grotte aux mannes des ancêtres, les jours suivants, il avait été visité par l'oracle familial qui lui avait apporté un chapelet de mille clochettes fluorescentes ?
Se gardant bien de révéler la symbolique de chacune d'elles, sa garde après les premiers sursauts de frayeur au bruit des clochettes s'était habitué avec curiosité non feinte à épier sa silhouette tournoyant dans le cercle formé par le gigantesque chapelet étalé par terre dans son jardin.
Ceux qui se seraient approchés aurait été stupéfiés de voir ses lèvres abimées par des contorsions qui renseignaient sur la rugosité des mots incantés. Il fallait bétonner son mandat à tout prix et le mettre hors de portée du gourou et des haillonneux pour de bon.
Il avait élargi son bureau et commandé un vaste bureau pour une bonne réception des ces forces occultes...
Le jeune barbu trottinait et souriait à tout va ! Un stratagème peu suffisant pour cacher son obsession de se débarrasser du gourou.
Il devenait ainsi un cas clinique non pas parce qu'il étalait son ingratitude car cela n'avait rien de surprenant puisque tel était la nature humaine. Mais ce qui l'était, c'est la vitesse à laquelle cette ingratitude avait germé et la facilité inouïe avec laquelle elle poussait dans son corps.
Comment le jeune barbu en était-il venu à mépriser ainsi le sang des haillonneux ?
Il était devenu un sombre idiot dans son aspiration à faire comme le monstre, à être le monstre, à la grande désolation de sa famille.
Il multipliait les piques contre le gourou, confisquait tout le pouvoir en rendant son avis obligatoire pour toute décision jusqu'à fixer la quantité de détergent et le rythme de passage de la serpillère dans les toilettes.
Si la hauteur morale du gourou l'inclinait à n'y voir qu'une épreuve supplémentaire infligée à lui par son Seigneur et Maitre, les haillonneux ne le voyaient pas de cet oeil. Le gourou était juste navré que cela soit ainsi. Le jeune barbu était le dernier qu'il souhaitait voir se dresser sur son chemin.
Plus, le jeune barbu est et demeurera toujours un homme devant eux, parmi eux, ni plus ni moins quoiqu'ils n'en pensaient pas moins qu'en tant que premier haillonneux à accéder à la magistrature suprême, il était devenu un point cardinal de leur raison de vivre dont la réussite ou echec allait déteindre immanquablement sur leur devenir politique.
L'Etat-major haillonneux était en alerte. Une lutte entre frère d'armes était des plus mortelles... Pas de vainqueur sinon tous vaincus dans l'absolu !
Laf méritait plus que cela et ce triste sort n'est pas, en vérité, celui dont il était en droit de s'attendre des haillonneux, de n'importe quel haillonneux.