Le cauchemar des funambules n’était pas leur chute, mais la peur panique d’être confondus avec le fil lui-même… L’ouroboros s’était longtemps vanté de posséder le balai, mais en vérité, il était devenu depuis bien longtemps le râteau entre les mains de la squaw. Le balai rejette la saleté ; le râteau la rassemble.
La squaw, dont chaque pore respirait la gémellité avec l’ancien monstre à l’agonie, avait fait le pari d’associer l’utile protection de la belle-mère Tisseuse à l’agréable devoir d’achever la mission de sa dernière période de vie : faire rendre gorge à son ancien jumeau, qu’elle accusait d’avoir brisé les escaliers qui l’auraient portée, aujourd’hui, à la place de l’ouroboros. Satan, son improvisé protecteur énamouré, le lui avait-il soufflé à l’oreille ? Toujours est-il que, pour elle, tous les moyens étaient bons. Gare à quiconque constituerait une entrave !
Les haillonneux avaient-ils seulement saisi la nuance mais aussi le danger que le karma faisait désormais courir à l’ouroboros ?
Comme si le prétentieux locataire suprême, à l’image du top management haillonneux qu’il rêvait de manœuvrer, ignorait qu’il existe une station supérieure à la légitimité institutionnelle : celle que le gourou occupe de long en large. Il refusait simplement de l’admettre.
Oui, ce n’était pas faute de savoir que le chemin vers la transformation des mentalités était jalonné de dépouilles, d’handicapés à vie et de blessés marqués pour toujours et que s’écarter de cette voie revenait à profaner l’héritage sacré de ces vénérés martyrs.
L’homme est trop riche pour être le produit du néant, en effet. Voilà pourquoi l’ouroboros, qui marchait sur les cadavres avec arrogance, ne passait plus désormais, dans l'opinion publique nationale et internationale, que comme un complice assumé de l’ancien monstre.
Mais chhhhuuuut… L’oiseau de Minerve ne s’envole qu’à la tombée de la nuit. Les jababus n’allaient pas encore surcharger de trop ces esprits fêlés, déjà prisonniers de leurs propres élucubrations. Pour comprendre, nul besoin d’écouter pour entendre, encore moins de regarder pour voir.