jeudi 18 décembre 2025

LES ONDES DU POUVOIR

Ce ne fut pas qu’au Gourouland que l’oscillation simiesque de l’ouroboros fit trembler cœurs et esprits. Elle avait parcouru l’Alkebulan tout entier, et bien au-delà, s’insinuant dans les consciences et maudissant cette acrobatie digne de Satan qui dénaturait l'homme.

Car l’acte politique est une onde longue. La décision passe, la signature sèche, mais la fréquence persiste, gouvernant longtemps après que les acteurs eux-mêmes l’aient oubliée. On croit décider dans l’instant ; on agit, en vérité, dans la durée, et chaque choix laisse derrière lui un sillage invisible, irrésistible, irréversible.

L’acte émotionnel, au contraire, n’est qu’une onde de choc. Instable, débordante, incontrôlable, il bouleverse les cadres établis et transforme les hommes en pions de leur propre passion. Or, ici, le lien émotionnel entre le gourou et les haillonneux surpassait toutes les hiérarchies officielles : plus fort que ce qui pouvait unir l’ouroboros à ses satrapes, plus puissant que tout décret ou commandement.

Le gourou le savait et ne s’en inquiétait nullement. Pourquoi affronter l’ouroboros, quand il suffisait de l’effleurer, de le provoquer légèrement, et de laisser l’émotion agir comme catalyseur ? Ainsi se révélait la tare longtemps cachée : l’impulsivité de l’ouroboros, cette immaturité qui se croyait courage.

Les conséquences furent dévastatrices. La squaw et les forces des ténèbres qui l’auréolaient furent englouties dans la tourmente, victimes collatérales de cette onde émotionnelle incontrôlée. L'horizon des satrapes s’étiolait : sans retenue, sans honneur, ils ne prieraient plus l’ouroboros, mais son bic, réduits à la bureaucratie et à la gestion servile.

Cependant, il y avait là une leçon que nul décret ne pourrait effacer : quand le lien vrai, l’émotion sincère, dépasse l’autorité apparente, tout pouvoir se trouve relativisé. La loyauté n’est plus un mot, elle est un acte fédérateur et un symbole de ralliement.  Malheur à ceux qui croyaient tenir le jeu par la peur ou par l’ombre d’un titre, ils découvriraient, trop tard, que leur influence n’était qu’un souffle, face à la tempête des émotions collectives.

C’est là, dans cette vérité ignorée par tant de régimes, que réside la clé du manifeste politique : gouverner n’est pas imposer, mais comprendre et canaliser les ondes, visibles et invisibles. Et surtout, reconnaître que l’émotion, lorsqu’elle est partagée et intense, est plus solide que toutes les alliances superficielles. Le gourou l’avait compris. Au tour de l’ouroboros de l'apprendre !

Ainsi, les satrapes se souviendront : la politique qui ne mesure pas la puissance des liens émotionnels est vouée à l’échec. Ceux qui croient dominer par la structure tomberont sous le poids de ce qu’ils ont ignoré. 

Et les maîtres du monde, les socles des pouvoirs, ne sont pas toujours ceux qui tiennent ou distribuent les titres, mais ceux qui savent orchestrer l’onde silencieuse qui traverse les cœurs.

lundi 15 décembre 2025

LE ZENITH LUDOPATHIQUE....

Le palace était devenu un immense jeu Lego. Place nette avait été faite pour l’expression ludomaniaque du garnement qui jouait avec les allumettes. Seulement, la facilité déconcertante avec laquelle il bâtissait et déconstruisait ses échafaudages l’avait convaincu qu’il pouvait disposer des hommes et des femmes de la même manière. Y compris des faits passés au Gourouland !

Le capitaine immature aimait tripoter les manettes du moteur de la pirogue ? Qu’à cela ne tienne : les forces réactionnaires alkebulanaises, si farouchement antagonistes au gourou, lui avaient façonné un joujou parfaitement adapté pour hypertrophier son ego, écho lointain d’un paganisme ancestral.

Ludomanie égalait-elle folie ?
À question alambiquée, réponse ambiguë.
Pourtant, il restait certain que la manière de tanner le cuir révélait le degré d’honneur des personnages en jeu.

Était-ce à dire que les forces des ténèbres avaient parachevé leur emprise sur l’Ouroboros ? Cette interrogation contrastait avec la récente circonspection affichée par Imeldasse et sa mère, la Tisseuse.

Il y avait pourtant un bémol, signe d’un éclair ou d’un reste de lucidité chez l’Ouroboros. Il distribuait publiquement, en veux-tu en voilà, des preuves de son attachement au parasol que représentait le gourou pour lui, tout en réservant en privé ses prières de malédiction, exutoire cruel d’une rage née d’avoir vainement cherché une doublure parmi ses infâmes doungourous capable de l’épaissir autant, sinon davantage.

Ailleurs, pour ressusciter, l’ancien monstre n’avait eu d’autre solution que de vendre son âme au Diable. Sans renâcler.

Peut-être qu’ainsi, dans l’antre de Satan, il pourrait affronter la squaw à armes relativement égales. Oh, il n’ambitionnait pas de contre-peser dans le cœur du Diable l’attraction magnétique de la squaw. Il espérait simplement se lier d’amitié avec quelques-uns de la satanée progéniture. Tant mieux, si cela pouvait être une fille.     

jeudi 11 décembre 2025

RUMEURS DE CENDRES

Même si les choses étaient claires, le cas de l'ouroboros n'était pas une mince affaire. Il lui suffisait déjà de ne pas se soucier des veuves, orphelins et estropiés, d'oublier les morts et de dauber ses anciens bailleurs pour que l'on ne songe pas qu'il en rajoute la protection assumée des bourreaux, des voleurs et des escrocs.

L'ouroboros en était tout aussi conscient. Il avait cassé ses freins moraux. Sa sinistre ingratitude l'avait entrainé dans les contrées de la liberticité. Là bas, il s'était abreuvé au ruisseau de la haine du gourou et  avait chopé la rage qui avait dévoré les entrailles de l’ancien monstre et consumait toujours les coeurs de sa vermine.  

Il fallait, dès lors, l'encadrer tout au moins car la situation était alarmante. La déchéance de l'ouroboros aura clairement des conséquences inimaginables. Oui, il y avait de quoi peindre l'image d'un garnement qui jouait avec des allumettes. L'incendie escompté risquait de ravager toute une nation déjà meurtrie. Oui, le Gourouland était déjà suffisamment miné par des contradictions majeures. Les partisans du statut quo face aux militants de la révolution. Ceux qui grignotaient les semences contre ceux qui voulaient déguster les moissons.    

En effet, la coupe était en passe d'être pleine chez ceux qui, pour le moment, ruminaient en silence ce pervertissement de la volonté populaire qui sapait profondément et vicieusement les bases de la démocratie. La volonté populaire pouvait-elle ne plus être sacrée ? Et les engagements pris devant le peuple ?

La squaw exultait. Voila que le gourou lui donnait l'occasion rêvée de se concentrer davantage sur sa mission. Elle pensait à juste tire que l'ouroboros volerait à son secours. Ce faisant, la protection de la perverse Tisseuse deviendrait sans objet ! 

D'autant plus que la messe noire célébrée par le Grand Animal n'avait pas répondu aux attentes de la squaw dont le contrôle de la racaille et de la marmaille avec leurs satellites comme la brigade des nécrobies faisait partie des points les plus importants de sa stratégie de diriger le gourouland sans être élu, de décider sans légitimité. D'aucuns avaient quitté rapidement les lieux en jurant qu'ils ne se feraient plus avoir une deuxième fois.

Disons que si le grand animal n'était pas un fils de Satan, il lui avait été très proche pour que l'on n'accuse pas celui qui cherche à l'approcher de vouloir pactiser avec le Diable... Et qui oserait jeter la pierre à la squaw ? A sa décharge, c'était plutôt Satan qui s'était entiché d'elle. Plus l'amour est intense, plus l'amoureux est aveugle. Cet amour satanique inconditionnel étant sa botte secrète dont elle comptait user à l'abus !