Il y a comme
une lueur de vérité qui est venue subitement déchirer le voile de mes doutes et
ignorances vous concernant. Je me suis d’ailleurs demandé, comment moi, qui ne
suis point un intermittent de l’esprit critique, ai-je pu être happé par le
discours populaire au point de ne pas voir tel que vous vous étiez révélé et
non tel que vous étiez présentés ? Je me suis rendu compte alors, que
comme beaucoup de Sénégalais, j’étais emporté par le torrent de désinformation
et de diabolisation produit par une pluie médiatico-judiciaire qui s’est
abattue, sans relâche, sur vous, bien plus que sur tout autre politique.
Un discours qui habite la grandeur
Poussé par ce subit
réveil, je me suis mis alors à vous réécouter, maintenant que mon oreille, ou
devrais-je dire mon cœur, s’était libéré de ce voile qu’une longue exposition à
la propagande haineuse avait fini d’installer. Dès lors, j’ai commencé à saisir
le véritable sens de vos discours. Ce que je prenais pour la prétention est devenu
de la grandeur, ce que je percevais comme arrogance s’est révélée être une
ascèse discursive dans une sphère politique, où les esprits brillants ont
souvent fait la place aux tonneaux bruyants.
Votre discours
habite un espace conceptuel qui est défini par la grandeur. Elle se perçoit
aussi bien dans les références que dans le choix des mots. Cette grandeur sans
laquelle on ne peut habiter la fonction présidentielle ; sans laquelle, le
lustre attaché à cette fonction perd sa brillance, et avec elle toute capacité
de produire un leadership transformationnel.
Un révélateur de compétences
Cet univers
conceptuel de la grandeur, je me suis pris à le constater dernièrement en
étudiant le parcours et l’évolution de ceux qui vous entourent. Il n’y a pas un
meilleur signal du leadership que le choix de l’entourage. Qu’ils soient
arrivés cela soit par cooptation ou par attirance, ceux qui entourent le
politique nous renseigne beaucoup sur sa vision du leadership, sur ce qui est
important à ses yeux dans la conduite de l’activité politique. Sur ce plan,
votre signal est on ne peut plus clair et il émet clairement sur les ondes de
la compétence et de la rigueur.
Un sens de la justice
Je me suis
alors interrogé sur votre parcours politique et vos positions dans notre
système politique dont la plus grande caractéristique est sa capacité de
production victimaire. Ceci fait d’ailleurs opérer une logique de
« revolving door », une porte tournante qui transforme les acteurs
politiques tantôt en bourreau, tantôt en victime. Je n’ai pas pu constater à
part vous, un seul homme politique qui a été toujours du bon côté de la porte,
en soutien aux victimes et jamais en auteur de l’injustice. Je ne me souviens
pas avoir vu votre nom associé à aucune modification constitutionnelle, y
compris sous Wade,
C’est sans
doute ce sens de la justice qui vous place aussi du bon côté, quand on étudie
les séquences temporelles des régimes auxquels vous avez participé. 2000 à 2004
fut sans aucun doute la période la plus pure et la plus orthodoxe de la
gouvernance wadienne, tout comme 2012 à 2013 le fut pour celle de Macky. Cette
corrélation est quand même révélatrice d’une certaine attitude par rapport à la
politique.
Une force morale et une capacité de résilience
La souffrance
et la difficulté sont les deux mamelles du leadership. Le chanteur arabe
s’interroge même, si sans ces deux éléments, l’être humain peut compléter son
humanité. Une telle question est encore plus pertinente pour l’homme
politique qui ne peut s’élever face à l’adversité que s’il l’a rencontrée
sous sa prime forme. Qui peut douter sur ce plan que vous avez été bien
servi ? Sans doute cela vous a-t-il aguerri comme le disait votre
porte-parole il y a quelques temps ? Vous en avez sans doute tiré une
résilience qui vous donne un parti qui fait pousser encore plus de têtes,
chaque fois qu’un coup de sabre machiavélique en fait tomber
quelques-unes. Cela vous pousse sans doute à partager, même quand le
risque d’une adversité subséquente n’est pas nul, comme vous l’avez fait avec
la Mairie de Thiès.
Me reviennent
alors ces mots de Rudyard Kipling, que je n’aurais jamais associé à votre
personne, si ce voile de rancœur et d’incompréhension ne s’était pas levé à la
faveur de mon attitude critique et d’une lecture attentive de notre récente
histoire politique. J’aurais pu évoquer ce long poème et chaque vers viendra
évoquer le piège dans lequel la clameur propagandiste m’avait entrainé, avec un
certain nombre de mes compatriotes. Mais j’en extrairai juste quelques-uns pour
vous demander de me pardonner et pour vous donner rendez-vous, quelque part
dans un isoloir, en 2019, incha Allah.
Si tu peux
supporter d’entendre tes paroles
travesties par des gueux pour exciter des
sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles sans mentir toi-même
d’un mot ;
Si tu peux
rencontrer triomphe après défaite
et recevoir ces deux menteurs d’un même
front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les
perdront,
Alors les
Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves
soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon
fils.
Saliou Dione, Consultant
international
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