vendredi 13 août 2010

EN ATTENTE DES UTOPIES

˝Est affublé du terme dédaigneux d’utopie tout idéal qui apparait irréaliste aux yeux des puissants. Pour une fois qu’il est porté par des forces sociales minoritaires, le voilà qualifié de projet révolutionnaire. Et si d’aventure, il se réalise, il est pompeusement baptisé soit projet de société, soit projet de gouvernement. ̋

L’évolution du monde est profondément marquée par cette dialectique et ce, malgré les rappels à l’ordre ponctuels du Père Céleste dans la Torah, la Bible et le Coran. De tous les facteurs d’unité entre les hommes, la religion n’est- elle pas, hélas, le plus puissant ?

Une dialectique portée de la part de l’Univers qui sans l’homme ne vaut sans aucun doute rien du tout, par comme qui dirait une sorte de nécessité vitale de régénération, un salutaire saut pour transcender les con-tradictions du moment, ou encore pour consacrer une indispensable rupture d’avec l’ordre présent.

Laquelle dialectique s’accommode, par ailleurs, également et fort bien, du respect de l’incompressible et perpétuelle aspiration de l’Univers au renouveau mais encore de la niaise admiration du mirage de la vie éternelle chez l’homme cependant irrévocablement destiné à la poussière de par sa naissance, même.

En fin de compte, les utopistes n’ont fait jusqu’ici que tenter de saisir la lame de fond de ce mouvement intime de l’Univers pour en tempérer l’imprévisibilité ou alors pour faire l’heureuse annonce de sa nais-sance chaotique. Ils n’ont jamais cherché, peu ou prou, à s’imposer ou imposer, tels des prophètes, leurs élucubrations.

Qu’ils en soient remerciés, ah, les altruistes, qui savaient pertinemment que l’aiguille survit toujours au tailleur !

Du moins, les utopistes d’ailleurs ! Car en matière d’utopies et d’utopistes, l’Afrique est tout aussi indi-gente. Or, c’est certainement ce qui lui manque le plus, à notre Afrique !

Des gens, des hommes et des femmes, non pas tant porteurs d’idées novatrices, généralement d’origine étrangère ou capables d’entreprendre quelque chose d’inédit mais plutôt des décideurs, hommes ou
femmes, audacieux qui osent puiser dans leur tréfonds culturel pour appliquer des idées aptes à concréti-ser les potentialités. Des concrétisations qui réconcilient l’homme africain et sa culture ; l’un ne pouvant pas aller sans l’autre, de toute évidence. Dans tout phénomène, il y a une cause, dans chaque cause, une raison et dans chaque raison une détermination.

L’Afrique, en effet, aura expérimenté - et continue de le faire-, en toute connaissance de cause ou à son corps défendant, au fil du temps, plusieurs programmes de développement qui se sont toujours soldés par des échecs cuisants. Il en est ainsi parce que l’aspect culturel y est systématiquement occulté s’il n’est soustrait sans autre forme de procès. C’est que ces programmes ne sont pas pensés encore moins compris par leurs bénéficiaires, par la même personne.

Il s’y ajoute que les objectifs ne militent généralement qu’en faveur d’un développement, pris comme moyen de parvenir à une meilleure intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale. L’économique a beau être important, plus qu’important même, mais le développement est beaucoup plus un problème d’homme, de plus en plus une affaire de culture.

Que l’on médite seulement sur le cas de l’Inde, de la Chine et des pays du Sud Est asiatique (Singapour, Taiwan, Hongkong et Corée du Sud) !

Ces exemples sont suffisamment illustratifs du nouveau paradigme que l’Afrique –les divers Etats africains- se doivent d’intégrer : il n y a pas de pays développés encore moins de pays sous-développés, nous sommes en face de diverses cultures dont chacune a sa voie déjà tracée pour trouver les moyens de se réaliser à partir de son propre rêve mais surtout de ses utopies.

Le plus grand programme de l’Afrique, en termes de pertinence bien entendu, je veux parler des Etats Unis d’Afrique, ne pèche-t-il pas justement du fait de cette abstraction des cultures dans les schémas de sa mise en œuvre ?

Si l’Unite Africaine éprouve tant de mal à prendre l’envol, n’est ce pas donc par manque d’utopies et d’utopistes ?

Mais quelle(s) utopie(s) pour l’Afrique et les africains ?


Mohamed Simale / Cilpdak.blogspot.com