mercredi 7 avril 2010

Les litiges fonciers de tous les dangers ! (par Massaer Arame DIOP )

La récurrence des conflits à caractère foncier est sans doute le principal facteur explicatif du choix du thème abordé par les autorités judiciaires nationales au cours de la rentrée solennelle des cours et tribunaux de cette année. Comme, du reste, elle a motivé la mise sur pied d'une brigade spéciale de gendarmerie chargée de veiller sur l'occupation du sol.

Il n’y a pas un seul coin ou recoin du pays où des litiges fonciers latents ou ouverts ne soient pas entrain de saper dangereusement et insidieusement la cohésion sociale. De telle sorte qu'il n'est point exagéré aujourd'hui de parler de fléau foncier. Et l'on constate que ce phénomène s'est accentué depuis l'avènement de l'Alternance. Cette recrudescence des litiges fonciers exprime tout à la fois une mauvaise application/maîtrise des textes de la décentralisation, l'incompétence des élus locaux mais aussi et surtout la concussion de l'administration foncière. On passe sous silence la complicité passive du commandement territorial.

Eh oui, la façon dont les "affaires éclatent" rend toujours compte à la fois du laxisme de l'administration et d'une subtile stratégie des spéculateurs fonciers. Généralement, c'est suite à une "soudaine attention de l'Etat" sur un site donné qu'une mini-émeute éclate, organisée par des "têtes pensantes", maîtres-chanteurs professionnels, qui manipulent de pauvres hères auxquels on promet un intéressement quelconque ou alors qu'on embarque dans une barque de causes douteuses. Bonjour, dès lors, tractations et négociations qui finissent toujours par une allocation d'un autre site aux "populations lésées" ! Si l'on ne procède pas à un partage honteux du domaine.

Et le tour est joué ! Ce site est immédiatement loti et les "populations lésées" ne voient que dalle…
Parfois, c'est une véritable OPA qui est lancée sur un site avec des arguments aussi irréalistes que ceux de la naissance ou l'appartenance à un groupe ethnique ou partisan. Mais, presque toujours, ce modus operandi, digne d'une vraie mafia, se constate surtout au niveau de la zone des Niayes, pourtant déclarée zone non edificandi, que l'urbanisation incontrôlée de Dakar met sous pression extraordinaire. Dans cette zone, il existe une mafia d'escrocs fonciers organisée en différentes bandes locales. Chaque chef de bande dispose de son machin à lui, genre "commission" ou "bureau d'études", etc.

L'antagonisme de ces bandes est à la mesure de l'animosité qui existe entre les bandes. Parce que ces chefs de bandits sont la plupart du temps issus de la même famille, propriétaire foncier jadis. Le patrimoine familial ayant été aliéné, la seule issue qui reste à ces individus est de jeter leur dévolu sur les terrains du domaine national. L'extraordinaire est quand même qu'on retrouve parmi ses chefs de bandits, véreux et semeurs de désordre, des fonctionnaires bon teint et même des agents des forces de l'ordre !

Tout compte fait, la décentralisation porte en elle-même les germes de sa propre morbidité. Avec la précipitation, suspecte de politique politicienne, qui a présidé à sa mise en œuvre. Ainsi à l'issue des élections locales de 1996, combien de conseils municipaux pour ne pas parler des conseils ruraux se sont retrouvés uniquement composés d'analphabètes. Une situation dénoncée à l'époque en abondance par la presse et nous avons souvenance de l'article du journaliste Abou Abel Thiam traitant d'une nouvelle commune du Nord dirigée par défaut par un cuisinier, ancien émigré, et secondé par une poissonnière tout aussi analphabète ! Oh, que non ! Nous n'avons rien contre les analphabètes, mais le code de décentralisation fait obligation aux chefs de collectivités locales de disposer au moins du certificat d'Etudes Primaires et Elémentaires - le fameux "kayitou sukar" tant charrié dans les cours de récréation !

Il reste que la persistance du fléau prouve un effritement évident de l'autorité de l'Etat sinon une manque d'efficacité notoire des institutions relevant de l'administration générale si ce n'est pas la prise en otage tout simplement des corps chargés de la répression. C'est à dire la même chose, au fond !

Autrement dit, cette situation n'augure rien de bon car un cadre serein et sécure de la jouissance de la propriété et du déroulement des activités est le challenge forcé, la toute première condition nécessaire de premier ordre pour promouvoir l'épanouissement des populations.

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